La douleur, de lancinante, était devenue au fil des jours insupportable. Cette barre au niveau de l’estomac ne me laissait plus aucun répit. Je me résignai à aller consulter. La médecienne, après avoir écouté mes explications, me proposa une échographie. J’eus un mouvement de recul. « Ce n’est pas réservé aux personnes enceintes, ce genre de truc ? » lançai-je perplexe. Elle éclata de rire : « Pas du tout - et puis, vous savez, ce n’est pas au niveau de l’estomac que poussent les enfants… ». Je ravalai mon ignorance et acceptai. Une fois l’appareil posé sur le haut de mon ventre et l’écran branché, la doctoresse changea de visage et laissa échapper une exclamation de stupeur. Je tournai la tête pour voir à mon tour. Il y avait quelque chose dans mon estomac. Ça avait forme humaine, mais une forme adulte - comme une personne en miniature et… ça me ressemblait beaucoup.
Je ressortis du cabinet avec une ordonnance longue comme le bras ainsi qu’une liste impressionnante de spécialistes à consulter. Mais j’avais déjà choisi mon option : je fonçai dans la première pharmacie venue et achetai le vomitif le plus puissant qui se trouvât en vente libre. La chose ne tarda pas à sortir, toussant et éternuant avec force.
« Une douche, ce ne serait pas trop demander ? » finit-elle par articuler, l’air vindicatif. Secouant ma stupeur, je saisis l’homoncule entre mon pouce et mon index droits et le passai sous le robinet. Il cracha et pesta contre l’eau trop froide. Je le posai tant bien que mal sur un bout de serviette. Mon alter ego s’en saisit et s’en drapa avec hauteur. À présent que ma douleur était partie, je me sentais d’une humeur formidable. « Et dire que j’ai hésité avec un laxatif » ne pus-je m’empêcher de lâcher, les larmes aux yeux. « Très drôle. ». La petite personne me toisa avec un mépris qui m’ôta soudain toute envie de rire. « Si je suis là, c’est parce que j’en avais assez de te contempler ne rien faire de ta vie. Et tout ce que tu trouves à faire, c’est sortir des plaisanteries scabreuses ! Quand est-ce que tu grandiras un peu ! » Je la contemplai avec surprise et me retins de lui faire remarquer qu’en termes de taille, elle n’avait pas trop à la ramener. Mais elle poursuivait déjà : « T’inquiète. Moi, je vais grandir. Et quand j’aurai atteint ta taille, je te remplacerai. C’est mieux comme ça, toi tu pourras continuer à glandouiller et moi, je nous rendrai enfin utile à quelque chose. » Je réfléchis, le petit être n’avait pas tort finalement, peut-être serait-il plus à même que moi de donner du sens à ma vie - je procrastinais depuis si longtemps déjà.
« Euh, ok. Pourquoi pas. » finis-je par lâcher. L’homoncule avait déjà doublé de taille. Je renonçai à lui proposer des vêtements avant qu’il finisse sa croissance, ce qui fut achevé en cours de nuit ; après avoir vidé mon frigo, il avait exigé que je lui commande pizza sur pizza. Mon compte en banque en avait pris un coup.
Le lendemain, je restai tranquillement à rêvasser à mon habitude alors que ma persona s’activait dans tous les sens. Il en fut de même les jours, les semaines et les mois suivants.
Lorsque notre « première contribution d’importance à l’histoire de humanité » fut achevée, j’avais atteint la taille d’une pilule contraceptive. Mon alter ego me contempla alors une dernière fois - puis m’avala.
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